Avortement en Argentine : « Es ley ! »(« C’est la loi ! »)

Après des décennies de mobilisation, l’Argentine rejoint le petit groupe de pays ou régions, qui, en Amérique latine, autorisent l’avortement : Cuba, l’Uruguay, Porto Rico, la Guyane française ainsi que le district fédéral et l’État de Oaxaca, au Mexique. Les féministes espèrent que cette victoire en entraînera d’autres ailleurs sur le continent.

La législation en vigueur en Argentine datait de 1921 et n’autorisait l’avortement que en cas de viol ou de danger pour la santé des femmes. C’est ainsi que ce pays comptait entre 350 000 et 500 000 avortements clandestins par an ; 35 femmes en étaient mortes en 2018.

Pourquoi la loi est-elle passée cette fois ?

D’abord à cause de la formidable mobilisation des « marées vertes » de femmes, la lutte a payé : entre 500 000 et un million de personnes s’étaient rassemblées devant le Parlement en juin dernier. Le mouvement féministe argentin est un des plus vieux du continent, le premier à avoir arraché le droit de vote pour les femmes, une loi sur l’égalité des droits ou la protection des enfants. Depuis 2015, le mouvement #Ni una menos contre les féminicides et les violences de genre a mobilisé des milliers de femmes, surtout des jeunes, débouchant sur des coordinations ou des assemblées féministes qui ont pris le relais sur l’avortement. Ce combat est devenu si important que le mouvement féministe a choisi la couleur des manifs IVG, le vert. Depuis deux ans, ses dirigeantes ont convaincu des parlementaires et des politiques qui cherchaient à toucher cette jeunesse féminine radicalisée. Á commencer par le mouvement du président actuel, le péroniste  Alberto Fernández, qui en avait fait une promesse de campagne. Son engagement dans cette bataille a réussi à imposer à des députés péronistes du Nord, traditionalistes, le vote de la loi.

Au Sénat, chambre plus conservatrice, des élus de régions traditionalistes surreprésentées ont également changé leur vote, à l’image de l’ex-présidente, Cristina Kirchner : en 2018, la loi est passée grâce à 6 voix au Parlement et perdu à cause de 7 voix au Sénat ; en 2019, elle a gagné 14 députés et 9 sénateurs.

Dans le pays, le soutien à l’IVG est passé de 64 % à 75 % des personnes interrogées entre 2014 et 2020, signe de l’évolution d’une société et des effets de la mobilisation sans précédent de la « révolution des filles ».

Mariana Sanchez