La loi climat est hors-la loi : c’est un crime climatique

Le constat est clair, net et sans bavure : le projet de loi climat ne répond pas à l’objectif d’une baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030, dont la France s’est doté sur le plan légal. Ce ne sont pas les ONG qui l’affirment mais l’étude d’impact du projet de loi climat qui reconnaît que seule une petite partie de cet objectif sera atteint si les (demi)mesures proposées par le gouvernement sont mises en oeuvre.

Le projet de loi du gouvernement est donc hors la loi : il ne respecte pas le droit en vigueur. A l’heure où l’Etat est poursuivi en justice pour inaction climatique, l’exécutif persiste et signe : il repousse à plus tard ce qui devrait être fait aujourd’hui, entérinant une forme de procrastination institutionnelle aux conséquences gravissimes. En matière climatique, tout retard pris est à l’origine de crimes climatiques.

Voilà une mise en abime paroxystique de l’incroyable inventivité de celles et ceux qui font tout pour retarder autant que possible la nécessaire révolution climatique : comment en effet caractériser un exécutif qui, tout en affirmant être à la pointe du combat climatique, s’emploie depuis des semaines à saper le plan de lutte contre le réchauffement climatique qu’il a lui-même commandé à 150 citoyennes et citoyens afin de respecter des engagements qu’il s’est lui-même fixé ?

Etablir la liste des mesures abandonnées ou édulcorées revient à énumérer combien notre haute administration est dotée d’une puissance créatrice et ingénieuse sans égal : politistes et historiens ont sans doute des années de travail pour élucider comment tant de mesures ont pu être vidées de leur substance par des tours de passe-passe tous plus grossiers qu’habiles. Aux trois jokers présidentiels initiaux déjà discutables en ont été ajoutés d’innombrables.

Indigent sur la rénovation thermique des logements, affligeant sur les transports automobiles et aériens, inexistant sur la transformation en profondeur de notre système productif, ce projet de loi proposé par l’exécutif révèle aux yeux de tous la leçon politique qu’il faut en retenir : il ne peut y avoir de politique climatique ambitieuse sans toucher à la puissance des lobbies, aux pouvoirs et droits acquis des multinationales ou aux règles qui organisent notre économie.

Emmanuel Macron et son gouvernement s’y refusent. Hors de question de perturber le jeu économique pourtant totalement sans dessus dessous depuis le début de la pandémie de Covid19. A la norme réglementaire, ils préfèrent l’incitation financière sans conditionnalité. A l’obligation de résultat, ils substituent des engagements volontaires non contraignants. Aux mesures emblématiques et efficaces qu’ils abandonnent, ils opposent des symboles sans effet.

En matière d’écologie, la doctrine de l’exécutif ne fait plus illusion. Remercions donc les 150 membres de la Convention, par leur travail sérieux et robuste, de lever définitivement le voile sur la réalité de l’engagement climatique d’Emmanuel Macron : derrière un hashtag bien trouvé (#MakeOurPlanetGreatAgain) pour donner le change face à Donald Trump, se complait en fait celui qui a toujours préféré attirer les traders de la City plutôt que désarmer les criminels du climat.

Or, en matière climatique, on ne saurait se satisfaire d’être un peu meilleur que le voisin : dans une classe de cancres, même le meilleur des élèves – statut que revendique la France à l’échelle de la planète – reste un cancre. Un cancre désormais débusqué qui donne à voir là où le bât blesse : l’inertie climatique est celle de ceux qui nous dirigent – et satisfont les intérêts des lobbies – et non celle du plus grand nombre comme ils aiment à nous le faire croire.

Maxime Combes, porte-parole d’Attac France et auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (Seuil, 2015). 

25 janvier 2021