L’union ou la débâcle, par Clémentine Autain

Je voudrais saluer le sens de la responsabilité, l’optimisme de la volonté de celles et ceux qui sont dans cette salle, de celles et ceux qui dans notre pays ont la conscience claire des dangers qui nous guettent et de l’espoir que nous avons à lever.

Ma conviction, c’est que ceux qui ne prennent pas la mesure du changement de période dans laquelle nous sommes entrés seront balayés par l’histoire. Nous avons le devoir de ne pas laisser se produire le scénario du désastre annoncé.

L’effondrement des politiques néolibérales de ces quarante dernières années s’accompagne aujourd’hui d’un vent planétaire d’extrême droite, ultra-libéral et profondément réactionnaire.

Écoutez ces mots de Xavier Milei, le président de l’Argentine connu pour sa tronçonneuse qu’il a brandi contre la dépense publique et qui rêve d’une grande internationale avec ses amis Trump, Orban et Meloni… Alors qu’Elon Musk vient de faire un salut fasciste, il écrit ce message : « Tremblez gauchos fils de pute. La liberté avance ».

La liberté pour lui, pour eux, il en a livré la conception dans un texte glaçant, lu devant les grands de ce monde au Forum de Davos : c’est le « chaos créatif du marché », la défense de la vie contre « l’agenda sanguinaire et meurtrier de l’avortement », la fin du « virus mental de l’idéologie woke ».

Ces dirigeants ont pour projet la prédation de tout : des peuples, des ressources naturelles, des femmes, des migrants. C’est la loi de la puissance qui écrase, des dominants sûrs et fiers d’eux-mêmes, qui ont tous les droits, à commencer par celui d’exploiter plus encore celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre.

La possibilité du fascisme et de la tragédie est sous nos yeux.

Alors oui, nous devons nous débarrasser d’Emmanuel Macron. Mais ce dont nous devons nous débarrasser plus fondamentalement encore, c’est de la submersion des idées de cette nouvelle extrême droite.

Cela nécessite un travail de fond sur notre récit, notamment pour créer de la dynamique populaire, et un travail de rassemblement, sans quoi nous jouerons les seconds rôles dans la débâcle.

Croire que nous avons déjà le programme, le candidat et les forces accumulées pour en finir avec le pouvoir en place et l’emporter face à Marine Le Pen et ses amis, c’est ne pas avoir compris combien nous avons changé de période.

Croire qu’à gauche, on peut gagner tout seul, sans les autres, en méprisant les autres, voire contre les autres, est une folie.

Croire que l’enjeu pour 2027, ou avant, c’est le remake du match Hollande/Mélenchon, pour au fond enjamber l’élection en se disant qu’il faut encore trancher entre gauche d’accompagnement et gauche de rupture, c’est ne pas comprendre le poison mortel que constituerait la prise du pouvoir par le Rassemblement National en France.

Ni sectarisme, ni eau tiède, culture de rassemblement et projet de transformation profond du pays : voilà ce qu’il nous faut pour gagner.

Nous devons sortir d’ici en faisant le serment que nous nous mettons au travail, dès maintenant, avec les forces sociales, citoyennes, culturelles de notre pays, pour fédérer toutes celles et ceux qui croient à la dynamique de l’égalité, qui défendent l’esprit public contre la marchandisation de tout et n’importe quoi, qui savent que la croissance infinie dans un monde fini, c’est la fin de l’humanité. Et que sans démocratie, aucun progrès n’est possible.

Si nous nous retroussons les manches, si nous sortons de nos vieilles lunes, de nos médiocrités d’égos et de boutiques, alors nous pourrons crier : « Tremblez fascistes, enfants de Pétain. Le nouveau front populaire avance ! »

Clémentine Autain, Gagnons Ensemble, Pantin, 29 janvier 2025.