Départementales Nantes 7, entretien avec Philippe Brard

A dix jours du 1er tour des élections départementales, Ensemble ! 44 a interrogé Philippe Brard, militant de GDS et candidat sur le 7ème canton de Nantes de la gauche en commun, avec Natahlie Blin, Pascale Robert et Sofiane Chergui.

Ensemble ! : Avec la communiste Nathalie Blin, tu es candidat de la Gauche Démocratique et Sociale (GDS) sur le 7ème canton de Nantes dans le cadre du regroupement « La gauche en commun » où se retrouvent PCF et GDS évidemment mais aussi GRS, France Insoumise et Ensemble ! , qu’est-ce qui singularise votre candidature ?

Philippe Brard :  Ma candidature, en binôme avec Nathalie Blin (élue municipale, membre du PCF) s’inscrit dans le combat général de la Gauche Démocratique et Sociale. Il s’agit pour nous de maintenir comme force politique crédible une expression politique indépendante du salariat. Ceci dans une situation générale où les rapports de force entre ce dernier et la bourgeoisie sont très dégradés à la fois sur les lieux de travail (d’exploitation), dans le champ politique comme dans la lutte idéologique. Cette dégradation est le résultat des recompositions du capital depuis les années 80, que la notion de néo-libéralisme résume, mais aussi du bilan, globalement négatif (!), de la gauche du 20e siècle, que ce soit celui du stalinisme, qui a donné un visage totalitaire au communisme, ou de la social-démocratie qui a renoncé à toute transformation sociale, même par des réformes, pour mener des politiques d’adaptation au néo-libéralisme qui se sont attaqués aux acquis des travailleurs. Le résultat est double : d’une part un éloignement réciproque entre la gauche et les classes populaires, ces dernières se retirant de la politique ou passant au national-populisme, d’autre part un éclatement de la gauche, éclatement de plus en plus théorisé par ses propres acteurs sous la figure rhétorique des « deux gauches irréconciliables ». Cette situation est grosse d’une disparition de la gauche comme expression politique du salariat, ce dernier devenant une plèbe tour à tour séduite par différents démagogues populistes, capable de révoltes qui n’ont pas de lendemains, pas de traduction politique. Le mouvement dit des Gilets Jaunes en est une préfiguration.

Nous refusons ce devenir qui n’est pourtant pas impossible comme le montre la situation italienne. Nous affirmons que la gauche doit faire son unité sur un contenu politique qui permette à de larges fractions du salariat de s’y reconnaître. Ce qui exclu toute acceptation d’une hégémonie sociale-libérale qui a été la réalité de la gauche entre 1983 et 2017.

C’est dans cet esprit que nous avons préparé les élections cantonales et régionales. Nous avons fait le choix de travailler pour l’unité de la gauche en prenant en compte ses réalités locales, à savoir la place importante qu’y occupe encore le Parti Socialiste. Au plan régional, il n’était de toute façon pas possible de faire l’unité avec une force politique qui faisait le choix de mettre à sa tête une figure du macronisme, même tout justeen rupture de ban, et en faisant un préalable à l’unité. Nous avons réussi à obtenir dans les discussions unitaires régionales, souvent avec le PCF, des points d’ancrage à gauche, comme par exemple le refus de l’ouverture à la concurrence des TER et la conditionnalité des aides aux entreprises, qui nous ont permis de nous insérer dans la dynamique impulsée par Guillaume Garot.

Notre démarche a été la même aux élections départementales, d’autant qu’en 2015 la gauche n’a conservé la Loire-Atlantique que d’extrême justesse. Nous avons donc entamé des négociations au sein de la majorité départementale dont nous faisions partie. Notre souci était d’aboutir à des binômes sur les cantons qui puissent refléter à l’échelle de tout le département toute la diversité de la gauche, ce qui impliquait un renouvellement des candidats. Nous avons ainsi insisté sur la nécessité d’aboutir à un accord avec EELV et LFI. Quelquepart, nous avons trop bien convaincu le PS ! Outre que nous nous sommes heurtés à une organisation qui souhaitait conserver au maximum ses élus sortants, nous nous sommes aperçus qu’une fois l’accord trouvé avec EELV il apparaissait moins nécessaire au PS de rassembler la gauche dans toutes ses composantes. En particulier, la GDS et le PCF ne se sont plus rien vus proposer en terme de candidatures. Comme, par ailleurs, le PS s’était montré très réticent à s’adresser à La France Insoumise, il était évident que la question des places cristallisait le contenu politique de l’unité dans un sens qui ne nous convenait pas.

L’avenir dira si le PS a fait une erreur ou pas de nous exclure de la possible majorité de gauche. En tout cas, il a sous-estimé la volonté de la GDS et du PCF, construite sur la base d’un travail en commun réalisé au plan municipal nantais au sein du groupe « Gauche Commune » (qui compte aussi des élu-e-s de GénérationS) , une des trois composantes de la majorité municipale, de construire une représentation politique pour une gauche sociale, ancrée dans les réalités du salariat.

Pour conclure, ce qui singularise donc notre candidature dans le 7e canton de Nantes mais aussi dans le 6e et plusieurs autres cantons de Nantes, c’est la volonté que le département de Loire-Atlantique reste à gauche tout en offrant aux électrices et aux électeurs une alternative au verdissement du social-libéralisme, macron-compatible. C’est la raison pour laquelle, je pense, au delà des forces rassemblées dans « La Gauche en Commun » (PCF, GDS, GRS, MRC), vous avez, ainsi qu’LFI, décidé d’apporter votre soutien à notre démarche.

Ensemble ! : La campagne électorale, malgré les conditions particulières liées à la crise sanitaire, est évidemment l’occasion d’un dialogue avec les habitants. Sur le 7ème canton, plusieurs sujets reviennent souvent : la densification urbaine, la flambée des prix de l’habitat, la préservation d’un environnement de qualité en zone urbaine et face au réchauffement climatique, la difficulté pour les personnes très âgées de trouver une place en EHPAD et à un coût compatible avec leurs revenus sur le territoire où elles vivent et ont leurs relations et enfin  la présence de plusieurs bidonvilles roms. Comment un département de gauche devrait aborder ces questions ?

Philippe Brard :  Ces élections se tiennent effectivement dans un contexte particulier. Pour l’instant nous avons fait des collages et assurer une présence régulière sur les marchés du canton. Nous allons dans les trois semaines qui restent multiplier les porte-porte à la fois dans les cités et les zones pavillonnaires. Le contexte particulier c’est la crise sanitaire mais aussi la question de la sécurité. Nous sommes bien acceuillis sur les marchés mais on ne peut dissimuler que nombre de nos concitoyens marquent leur rejet de la politique et affirment qu’ils n’iront pas voter. D’autres nous interpellent sur les vols qui seraient en augmentation. Enfin, j’ai été marqué personnellement par un conflit sur un marché entre un anti-masque complotiste et le reste des personnes présentes sur le marché !

Beaucoup semblent ignorer ce que sont les compétences d’un conseil départemental et on peut ajouter que la concomittance des élections départementales et régionales n’ajoute pas à la clarté des débats.

Au delà du positionnement politique général que j’ai rappelé plus haut, nous mettons en avant quelques propositions en lien direct avec les compétences du département. Ainsi, nous sommes pour la mise en place d’une dotation, pour chaque élève de Sixième, d’un ordinateur portable. Les confinements successifs ont montré l’impact de la fracture numérique et révélé plus largement les inégalités sociales quant à l’éducation. C’est pourquoi il nous semble important de renforcer les moyens humains et matériels que le département met au service des collèges, d’autant que notre département continue à se développer économiquement et démographiquement. Ainsi, il est urgent de construire un troisième collège sur Nantes 7. Le département de Loire-Atlantique devra aussi défendre l’Education Prioritaire, aujourd’hui menacée par Blanquer et Macron, qui permet de donner plus à ceux qui ont moins c’est-à-dire la jeunesse des quartiers populaires.

Nous tenons aussi à réaffirmer que la délinquence juvénile se prévient avant que d’être réprimée. C’est pourquoi nous soutiendrons les services de prévention de la délinquance et les éducateurs qui travaillent au contact des jeunes qui sont pour certains déscolarisés voir marginalisés. Cela est d’autant plus nécessaire qu’en Loire-Atlantique ce secteur a été délaissé ces dernières années, trop d’éducateurs se sentant abandonnés.

Autre axe important pour nous : repenser l’action départementale en direction des personnes âgées. La pandémie a confirmé et même accentué les critiques adressées aux EHPAD, en particulier en terme de privation de liberté. C’est pourquoi nous sommes favorables à un EHPAD « hors les murs » permettant aux personnes âgées de bénéficier des services de ce dernier tout en restant chez elles. Il sera impératif d’expérimenter en ce sens.

Nous portons bien d’autres propositions sur la construction de logements sociaux (elle doit être accélérée de manière à construire sur Nantes en assurant la présence en son centre de classes populaires tout en portant une grande attention à la présence de la nature en ville, ce qui n’est pas incompatible). Nous défendons le développement de programmes de vacances pour les familles populaires, le renforcement de la formation des aides maternelles, l’aide à la création de crêches multisites, le renforcement du droit à la ville pour les personnes handicapées…

Enfin, nous refuserons toute diminution d’offre de services publics (bureaux de poste, centres de finances publiques…). Concernant, le conseil départemental lui-même, nous ouvrirons des négociations avec les organisations syndicales pour que soient réinternalisés certains services comme l’entretien.

J’ajouterai qu’un Conseil départemental de gauche ne peut accepter l’existence de bidonvilles quelles que soient les populations qui les occupent. Il doit être un acteur essentiel pour que la Loire-Atlantique soit un département ouvert à toutes et à tous. C’est particulièrement important aujourd’hui où les forces politiques mettant en avant le rejet de l’Autre semblent avoir le vent en poupe.

Ensemble ! : La droite annonce vouloir regagner la majorité départementale. La majorité départementale sortante, représentée sur la canton par Michel Ménard candidat au poste de Président en alliance, pour la 1ère fois, avec une militante d’Europe Ecologie Les Verts, insiste sur son bilan mais plus timidement sur son programme.  Comment ta candidature et celles de la gauche en commun peuvent-elles contribuer à mobiliser face au risque de l’abstention pour ancrer le département à gauche ?

Philippe Brard : Le contexte sanitaire ne permet pas d’envisager une forte participation à ces élections départementales. En même temps (!), une colère sociale existe dans ce pays face à la politique libérale menée par le gouvernement Macron. Il est clair que les binômes PS-EELV ne permettront pas à eux seuls de capter cette colère, eu égard au passif du gouvernement Hollande. Cette colère peut emprunter plusieurs chemins : celui de l’abstention qui mènera à terme à sa dissolution, celui du national-populisme représenté par le RN (le FN avait été présent au second tour en 2015 sur Nantes 7) qui la ferait devier vers le nationalisme et le racisme. Nous sommes convaincus qu’il n’est pas trop tard pour dégager un autre chemin : que cette colère permette d’ouvrir le chemin de l’émancipation sociale au 21e siècle. C’est le sens de notre candidature dans ce canton populaire qu’est le canton de Nantes 7. Pour qu’il reste, ainsi que le département, à gauche, à gauche vraiment.

 

Ensemble !44 appelle toutes ses lectrices et ses lecteurs  à voter et faire voter pour les candidat.e.s de la Gauche en commun sur les cantons  3, 5, 6 et 7 de Nantes et pour les candidat.e.s de la France Insoumise sur le deuxième canton.