L’Amérique se divise, par Elsa Faucillon

Les instituts de sondages qui avaient cru déceler une avance de Joe Biden sur Donald Trump se sont trompés. Certes, le candidat démocrate reste aujourd’hui le mieux placé pour l’emporter grâce à une courte avance dans le Nevada, le Michigan, et le Wisconsin et peut être en Géorgie… Cependant, il n’y a pas eu de déferlante démocrate : la reconquête du Upper Midwest industriel n’a pas eu lieu, et la Floride leur échappe de nouveau. À cette heure c’est plus de 69 millions d’Américains qui ont voté Donald Trump démontrant qu’il possède, après quatre ans à la tête du pays, une assise forte dans le pays. Il a même gagné 4 millions de voix depuis 2016 ! Clown fasciste, raciste décomplexé, sexiste odieux les descriptions qu’en font ses adversaires n’y font rien, Donald Trump parle à une partie de l’Amérique. Celle que l’on avait aperçue galvanisée dans les meetings. Le caractère extrême et déconcertant de ces partisans les plus virulents, son bilan catastrophique face à l’épidémie de Covid-19, nous ont sans doute poussé à penser qu’il s’effondrerait dans les urnes. Mais Donald Trump fait de la politique et joue habilement sur les fractures qui déchirent le pays. Nous ne pouvons plus sous-estimer l’adhésion populaire à ces projets réactionnaires violents qui connaissent une dynamique inquiétante dans le monde occidental et ailleurs.

Une victoire démocrate à la Pyrrhus ? Il serait peu de dire que l’échec d’Hillary Clinton ne semble pas avoir été médité. Une dynamique populaire franche n’est pas possible sans l’expression d’un parti pris identifié et clair sur les grands enjeux de notre époque. Ecologie, inégalités, racisme, santé, éducation, sont autant de sujets que le programme du candidat démocrate n’aborde qu’avec une tiédeur loin d’être à la hauteur des défis. La campagne de Bernie Sanders pendant les primaires comme les combats menés par Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Rashida Tlaib, Ayanna Pressley et tant d’autres membres de la gauche du parti démocrate avaient pourtant ouvert une voie pour renouveler la scène politique américaine et renouer avec une dynamique politique forte, jeune et prometteuse. Ces dernières ont d’ailleurs été réélues haut la main, et le Squad (surnom donné à ce beau quatuor) est rejoint par de nouvelles figures, la famille de la gauche américaine s’agrandit.

Il est trop tôt pour tirer les leçons de l’élection. Loin d’être terminé, le dépouillement va faire l’objet d’une bataille violente. Comme prévu Donald Trump a dénoncé des fraudes et avait prévenu avant même l’élection de son intention de ternir le scrutin. Une chose reste néanmoins certaine, l’état de crise profonde de nos démocraties appelle à une réponse qui redonne ses lettres de noblesse au mot politique. Il nous faudra aussi trouver en France le bulletin sur lequel sont présentes les classes populaires, l’espoir écologique et l’esprit démocratique pour reprendre les mots de nos alliés outre-Atlantique. Nous avons un an.

Elsa Faucillon

Article publié initialement dans Le fil des communs