Armes à sous-munitions : inquiétudes !


Au moment où la contre-offensive ukrainienne se heurte à des difficultés considérables, du fait du système défensif multicouches élaboré ces derniers mois par l’armée russe, Biden a décidé de livrer à Kiev des armes à sous-munitions. Cette décision est présentée comme une réponse nécessaire à la situation présente.
Faute d’avoir pu bénéficier de la livraison d’avions F16 qui auraient été bien utiles à la fois comme protection et comme appui aux troupes au sol, cela faute d’une décision en temps utile des Occidentaux, les Ukrainien.nes ne peuvent compter que sur leur artillerie. Or celle-ci souffre d’un grave déficit de munitions. Les Occidentaux, à court de stocks pour n’avoir pas relancé à temps leur production, ne peuvent répondre à ce manque. D’où, en réponse aux demandes pressantes du gouvernement ukrainien, cette décision américaine, « très difficile » selon Biden. Y a-t-il des objectifs propres hormis ceux concernant la volonté de défaire la Russie en appuyant l’Ukraine ?

Pourquoi « très difficile » ? Parce que les armes à sous-munitions ne sont pas des armes banales, si tant est que ce qualificatif puisse être appliqué à l’armement. Selon l’article II de la Convention d’Oslo, « le terme arme à sous-munitions désigne une munition classique conçue pour disperser ou libérer des sous-munitions explosives dont chacune pèse moins de 20 kilogrammes, et comprend ces sous-munitions explosives ». Elles permettent de « traiter » des surfaces étendues (en gros un obus à sous-munition de 155 mm ayant le pouvoir destructeur de cinq obus classiques, deux terrains de foot pour un seul obus).

Le problème est qu’une proportion importante de ces sous-munitions n’ayant pas explosé à l’impact, elles peuvent faire plus tard un grand nombre de victimes civiles, et ce pendant des décennies. Combattues pour cette raison par les ONG (entre autres Handicap International ou la Croix Rouge), les armes à sous-munitions ont fait l’objet d’une Convention internationale (Oslo, 3 décembre 2008) interdisant leur utilisation et leur transfert. « Les restes d’armes à sous munitions tuent ou mutilent des civils […], entravent le développement économique et social […], font obstacle à la réhabilitation et à la reconstruction post-conflit, retardent ou empêchent le retour des réfugié.es et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays » (indique le Préambule). Elle est signée par 108 États. Mais la plupart des grands pays détenteurs et producteurs ont refusé d’y adhérer. C’est le cas des États-Unis (ils les ont massivement utilisées au Laos et au Cambodge), de la Russie (qui a fait de même en Syrie, et actuellement massivement en Ukraine). C’est aussi le cas de l’Inde, d’Israël, du Pakistan, de la Chine et des deux Corées (liste non exhaustive).

On peut comprendre que les Ukrainiens et les Ukrainiennes considèrent qu’au point où ils et elles en sont – des dizaines de milliers de km2 minés par la Russie -, nécessité faisant loi, ce ne sont pas – afin de dégager un corridor susceptible de permettre une percée – quelques km2 de plus qui changeront la donne. Il nous faut cependant dire que si un tel usage devait se confirmer cela risquerait de susciter une incompréhension dans une partie de l’opinion publique solidaire du peuple ukrainien.

Ces kilomètres de terrains minés, appelés à faire de nombreuses victimes civiles à l’avenir, sont des territoires ukrainiens occupés en toute illégalité par le pouvoir poutinien. Celui-ci est responsable de nombreux crimes de guerre et contre l’humanité et d’un écocide aux conséquences aussi durables que catastrophiques pour le peuple ukrainien. Ce qui veut dire qu’il est pleinement responsable des développements en cours et à venir

Nous comprenons les difficultés rencontrées par les Ukrainiens et les Ukrainiennes dans leur résistance à cette sale guerre d’agression et nous sommes conscient·es des obstacles qui leur sont opposés et du contexte de cette décision.

Si nous restons fermes dans notre soutien au peuple ukrainien dans une guerre qui est une guerre de libération nationale, nous ne saurions cependant taire les inquiétudes que nous impose l’usage des armes à sous-munitions.

L’Équipe d’animation de la Commission internationale d’Ensemble ! 11 juillet 2023